17 novembre 2025
Le premier point fondamental à saisir consiste à distinguer correctement les notions de SIREN, de SIRET et de marque. On entend souvent ces acronymes, mais leur application concrète dans la vie d’une entreprise reste parfois floue. Voici une explication détaillée :
En d’autres termes, le SIREN concerne l’existence légale de l’entreprise dans le cadre administratif, tandis que la marque concerne la protection et la reconnaissance commerciale. Il en résulte qu’une même entreprise (possédant un SIREN unique) peut tout à fait gérer plusieurs marques simultanément, chaque marque s’inscrivant dans une stratégie commerciale dédiée. Ce schéma est tout à fait courant dans de grands groupes, capables de déployer plusieurs gammes de produits portant des marques différentes, mais rattachées à la même entité juridique.
Pour mieux comprendre pourquoi il est possible d’avoir un seul SIREN pour plusieurs marques, intéressons-nous aux structures juridiques. Chaque forme d’entreprise (micro-entreprise, SARL, SAS, etc.) se voit attribuer un SIREN lors de sa création. Ce SIREN incarne l’identité administrative auprès des organismes fiscaux, sociaux et légaux. Or, différemment de l’enregistrement au Registre des marques, il ne se réfère pas aux noms commerciaux ni aux marques protégées. En pratique :
• Si vous dirigez une micro-entreprise et que vous vendez deux gammes de produits distincts (par exemple, une ligne de vêtements et une ligne d’accessoires), vous n’avez pas besoin de deux micro-entreprises pour définir deux marques. Vous pouvez déposer plusieurs marques à l’INPI et les exploiter sous votre unique statut. Bien entendu, vous devez préciser les bonnes classes de produits afin de protéger correctement vos activités.
• Dans une SARL ou une SAS, vous pouvez également déployer plusieurs marques, qu’elles visent des niches différentes ou des positionnements variés. La société demeure la même personne morale, ce qui signifie qu’elle détient un SIREN unique, même si les marchés visés ne se recoupent pas forcément.
• Il arrive même que certaines entreprises changent de dénomination sociale sans pour autant créer une nouvelle entité juridique. Le SIREN, lui, ne change pas tant que la structure n’est pas dissoute. D’autre part, il est fréquent qu’une société-mère détienne plusieurs filiales, chacune ayant logiquement son SIREN distinct. Toutefois, si l’objectif se limite à varier les marques pour une même société, le besoin de créer une filiale n’est pas systématique.
Sur le plan administratif, regrouper plusieurs marques sous un même SIREN représente un fonctionnement relativement simple. Vous conservez :
• Un seul registre du commerce et des sociétés pour toute l’entreprise. Le SIREN apparaît sur votre extrait Kbis, lequel reste l’unique pièce officielle prouvant l’existence légale de votre structure.
• Un seul ensemble de formalités administratives : déclaration de TVA, bilan comptable, paiement des cotisations sociales, etc. Tous ces aspects relèvent d’une seule entité, même si vous possédez plusieurs marques en exploitation commerciale.
• Des déclarations fiscales regroupées : le chiffre d’affaires, le résultat net, les impôts et les charges s’agrègent au nom de la société ou de l’entreprise individuelle, peu importe le nombre de marques détenues.
Malgré ce cadrage unique, chaque marque nécessite tout de même un enregistrement spécifique auprès de l’INPI si vous souhaitez en assurer la protection juridique, ainsi qu’un suivi propre (renouvellement au bout de dix ans, veille sur l’absence de contrefaçon, etc.). Les coûts relatifs à ces dépôts de marque s’additionnent suivant le nombre de marques que vous souhaitez enregistrer.
Si vous lancez plusieurs marques sous le même SIREN, vous pouvez bénéficier de quelques avantages significatifs en termes de gestion et de stratégie :
Ainsi, regrouper plusieurs marques sous un seul SIREN peut présenter un intérêt certain, surtout pour des entrepreneurs souhaitant développer leur offre produits ou services de façon agile. Cette méthode évite la multiplication d’entités juridiques et permet de se concentrer sur l’essentiel : élargir la proposition de valeur et servir différents segments de marché avec efficacité. Cependant, il demeure capital de bien maîtriser les conséquences juridiques et fiscales et de respecter les règles de la propriété intellectuelle pour éviter les écueils.
Malgré les atouts, tout n’est pas rose dans la gestion de plusieurs marques au sein d’un même SIREN. Certains inconvénients méritent l’attention :
Complexité de suivi : lorsque vous déposez un certain nombre de marques, entretenir chacune (surveiller les éventuelles contrefaçons, procéder aux renouvellements, gérer les litiges) apparait plus ardu, même si l’entité légale reste unique. Il faut donc mettre en place une organisation rigoureuse pour toutes les démarches de propriété intellectuelle, sachant que les renouvellements s’opèrent tous les dix ans et que chaque opposition potentielle doit être gérée individuellement.
Risques d’image : si une marque subit un préjudice, comme un bad buzz, un rappel produit ou un scandale, la société dans son ensemble peut être touchée. Les répercussions peuvent se ressentir sur les autres marques, surtout si les consommateurs ou les partenaires commerciaux établissent un lien clair entre celles-ci. Dans l’hypothèse de marques très différentes, cet effet de contamination peut néanmoins être plus limité.
Possibilité de confusion : conserver plusieurs marques sous la même entité peut engendrer de la confusion dans l’esprit de certains clients, fournisseurs ou partenaires, s’ils ne comprennent pas que ces marques distinctes appartiennent pourtant à la même structure. Certes, cette confusion peut être voulue (pour segmenter les marchés) ou involontaire. Dans tous les cas, il faut assurer une gestion marketing pertinente.
Gestion fiscale complexe : la concentration de toutes les marques au sein d’une seule entreprise peut créer un casse-tête lorsqu’il s’agit de déterminer la rentabilité spécifique de chacune d’entre elles. Pour affiner votre stratégie, vous aurez probablement besoin d’une comptabilité analytique interne, afin de suivre rigoureusement les dépenses et les profits liés à chaque marque. Un manque de précision peut induire des erreurs ou des analyses erronées.
En résumé, la faculté de gérer plusieurs marques sous un même SIREN présente des atouts, mais il est indispensable de prendre conscience des difficultés de suivi et des potentielles répercussions sur l’image ou la fiscalité de votre activité. Être vigilant sur ces points vous aidera à mieux structurer votre gestion et à éviter les pièges liés à cette polyvalence.
Face aux avantages et aux inconvénients évoqués, quelques recommandations peuvent vous guider :
1. Élaborer une stratégie de marques claire Avant de multiplier les marques, il est judicieux d’établir une vision stratégique pour chacune. Quel marché cibler ? Pourquoi créer cette marque additionnelle ? Comment éviter qu’elle ne vienne parasiter l’offre existante ? Mieux vaut se poser ces questions tôt pour garantir la pertinence et la cohérence de l’ensemble.
2. Soigner la propriété intellectuelle Vous devez vous assurer que chaque nom ou logo proposé est disponible et qu’il ne contrevient pas aux droits antérieurs d’un tiers. Procédez à des recherches sur les bases de données de l’INPI et, en cas de doute, n’hésitez pas à recourir à un conseil en propriété industrielle. Une fois la marque déposée, surveillez régulièrement les nouvelles inscriptions qui pourraient empiéter sur la vôtre.
3. Mettre en place un suivi comptable distinct Même si le SIREN est unique, optez pour une comptabilité analytique interne permettant d’isoler le chiffre d’affaires, les charges et la rentabilité de chaque marque. Cette approche vous aidera à cibler efficacement vos efforts marketing, à redistribuer les budgets et à prendre des décisions éclairées sur le développement ou la suspension d’une marque.
4. Définir une identité de marque cohérente Les marques que vous déployez doivent chacune avoir leur propre univers, en adéquation avec le public visé. Toute confusion ou mélange d’identités peut déstabiliser les consommateurs et affaiblir la pertinence de chaque marque. Il est donc primordial de segmenter clairement vos messages, tout en assurant, lorsque c’est bénéfique, un lien discret à l’entreprise qui se trouve derrière.
5. S’entourer de professionnels Si vous gérez plusieurs marques, faites appel à un conseiller juridique ou à un cabinet spécialisé pour vous assister dans l’ensemble des formalités. De même, un expert-comptable peut vous aider à optimiser votre fiscalité et à mettre en place un reporting financier adapté. N’hésitez pas non plus à solliciter un cabinet d’avocats en cas de litige ou de doute quant aux règles de droit des marques.
Pour illustrer le fonctionnement d’un seul SIREN couvrant plusieurs marques, examinons quelques exemples concrets :
Exemple 1 : Un créateur de cosmétiques naturels Une entrepreneuse gère une micro-entreprise spécialisée dans la fabrication de savons artisanaux. Devant le succès de sa première marque de savons au lait d’ânesse, elle décide de lancer une nouvelle gamme de baumes naturels. Elle réfléchit à un positionnement différent, sous un autre nom pour mieux segmenter le marché. En pratique, elle enregistre à l’INPI un second nom, dépose son logo et conserve la même structure juridique. Son SIREN, obtenu à la création de sa micro-entreprise, ne change pas. Les deux marques cohabitent : l’une se concentre sur les savons, l’autre sur les soins pour la peau. Les déclarations fiscales et sociales se font toujours sous le numéro de SIREN déjà attribué.
Exemple 2 : Une PME dans l’agroalimentaire Une SARL a son siège social dans le Sud de la France. Son activité principale est la production de confitures haut de gamme, commercialisées sous une marque reconnue localement. Constatant une opportunité de marché, la société décide de concevoir une brand secondaire pour cibler la grande distribution avec des produits plus accessibles. Elle dépose donc un nouveau nom et un nouveau logo auprès de l’INPI, en y incluant les classes pertinentes (produits alimentaires). Cependant, elle n’ouvre pas de nouvelle société. Les deux marques reposent sur la même entité, générant deux lignes de produits distinctes.
Exemple 3 : Un groupe de services numériques Une SAS professionnelle de conseil en informatique lance plusieurs offres spécifiques. Chaque offre vise un secteur précis : la sécurité informatique, la transition digitale et l’hébergement cloud. Pour des raisons de marketing, la SAS adopte différentes marques pour chaque segment, chacune ayant son identité visuelle et son site internet. Malgré cette diversité, la société conserve un unique SIREN. Chaque marque représente une facette de l’entreprise, soutenue par une structure centrale, disposant d’un seul extrait Kbis et d’un seul enregistrement au RCS.
Ces exemples montrent la faisabilité pratique de la gestion de plusieurs marques au sein d’une même entité. Bien sûr, plus la gamme s’élargit, plus l’organisation doit être solide. Il faut être capable de distinguer clairement les aspects comptables, marketing et juridiques de chaque offre.
Dans la pratique, certains entrepreneurs commettent des erreurs pouvant nuire à leur projet :
Oublier de protéger sa marque : même si vous exploitez plusieurs marques sous un même SIREN, il est fondamental de déposer chaque marque auprès de l’INPI pour bénéficier de droits exclusifs. Un usage d’un nom sans dépôt officiel peut conduire à des litiges ou à une interdiction d’exploiter si un concurrent décide de la protéger avant vous.
Attendre trop longtemps pour déposer : lors du lancement d’une nouvelle marque, le dépôt doit se faire dès que possible, idéalement juste après avoir validé le nom et le logo. Attendre le développement commercial risque de compliquer la situation ou de laisser la porte ouverte à des dépôts concurrents, ce qui provoquerait un conflit frontal.
Ne pas anticiper les classes de produits ou services : lorsque vous enregistrez votre marque, l’INPI requiert la classification des produits et services visés (à travers la Classification de Nice). Sous-estimer la portée de votre activité peut vous amener à omettre des classes essentielles, limitant ainsi la protection. Inversement, en inclure trop, sans motivation réelle, augmente les coûts de dépôt et de renouvellement.
Ignorer la veille concurrentielle : posséder plusieurs marques ne vous dispense pas de veiller aux dépôts effectués par vos concurrents. La multiplicité des marques accroît même la nécessité d’organiser une surveillance. Vous devez repérer rapidement toute marque trop similaire à l’une des vôtres et éventuellement former opposition, dans le délai légal de deux mois après sa publication.
Manquer de cohérence marketing : si les marques que vous gérez se positionnent sur des secteurs hétérogènes, vous devez veiller à ce que votre communication reste cohérente. Le fait d’utiliser un seul SIREN n’est pas un frein en soi, cependant votre discours public, vos messages de marque et vos valeurs se doivent d’être bien définis, afin que chaque marque conserve son identité propre et ses cibles. Sans cela, on risque d’obtenir des marques dissonantes, peu convaincantes sur leur marché.
Au global, la vigilance se situe autant au niveau de la propriété intellectuelle que de la stratégie marketing. Gérez chaque marque comme un élément indépendant qui demande une attention particulière, tout en profitant de la mutualisation offerte par la centralisation autour d’un même SIREN.
Au terme de ce parcours, la réponse à la question « Peut-on avoir un seul SIREN pour plusieurs marques ? » est sans ambiguïté : oui, la loi et la pratique autorisent parfaitement qu’une entreprise unique, identifiée par un seul SIREN, exploite et développe plusieurs marques. Cette souplesse est non seulement autorisée, mais elle constitue une stratégie répandue et pertinente pour bon nombre d’entrepreneurs qui souhaitent diversifier leur offre, accéder à différents segments de marché ou encore tester de nouveaux concepts sans créer des structures juridiques multiples.
Cependant, cette configuration implique quelques précautions pour être gérée efficacement. Le premier facteur clé consiste à saisir la distinction entre le rôle administratif du SIREN et la protection juridique conférée par l’enregistrement d’une marque. Vous devez veiller à déposer chaque marque individuellement et à respecter les règles de la propriété intellectuelle. Les formalités d’enregistrement auprès de l’INPI demeurent essentielles pour revendiquer l’exclusivité et agir en cas de contrefaçon.
Ensuite, la bonne gestion de plusieurs marques appelle une organisation rigoureuse. Afin de déterminer la rentabilité ou l’efficacité de chaque marque, il est souvent utile de mettre en place une comptabilité analytique détaillée, ainsi qu’une stratégie marketing claire et étayée. Vous devez définir précisément le positionnement de chaque marque pour éviter les redondances et les contradictions. Par ailleurs, l’anticipation des subventions éventuelles, des besoins de trésorerie et des investissements marketing répond à une méthodologie suivie, car plusieurs marques signifient souvent plusieurs budgets à répartir.
Sur le plan fiscal et social, vous conservez une déclaration unique : impôts, TVA, cotisations diverses, tout est regroupé sous la bannière du même SIREN. Cet aspect vous fait gagner en simplicité, surtout si vous ne disposez pas d’un service comptable développé. En revanche, il convient de noter que le chiffre d’affaires généré par chaque marque s’ajoute au résultat global de votre entreprise, ce qui peut impacter votre tranche d’imposition ou votre niveau de prélèvements sociaux. C’est ici que la comptabilité analytique se révèle un atout majeur, pour savoir où concentrer vos ressources et comment optimiser l’ensemble.
Au-delà des aspects purement administratifs, le couplage de plusieurs marques peut créer un effet de levier intéressant en termes de notoriété. Si vous déployez plusieurs identités qui se nourrissent mutuellement, en restant reliées à l’expertise d’une seule et même entreprise, vous pouvez construire un écosystème cohérent. À l’inverse, vous pouvez aussi tenir à ce que les liens entre vos marques ne soient pas affichés. Cela vous permet d’opérer, par exemple, sur des secteurs très différents avec une entreprise unique. Dans ce cas, vous gérez davantage de segmentation, tout en demeurant vigilant quant aux risques de confusion ou de dilution.
Un aspect crucial est le timing : certaines marques gagnent à être lancées progressivement, en respectant un plan d’action structuré. Vouloir tout faire en même temps pourrait diluer vos efforts. Chaque lancement nécessite son lot d’études de marché, de communication, de distribution et de réajustements. Même si les formalités administratives sont simplifiées par l’existence d’un seul SIREN, le risque est de disperser vos ressources et de perdre en efficacité. Par conséquent, calculez soigneusement le moment opportun pour chaque déploiement de marque.
Enfin, la centralisation administrative ne diminue pas l’importance de la veille concurrentielle. Au contraire, cette dernière peut s’avérer plus exigeante lorsque vous vous positionnez sur plusieurs marchés ou segments. Vous devez régulièrement consulter les registres, surveiller le dépôt de nouvelles marques et vous assurer qu’aucune entreprise concurrente ne vienne empiéter sur vos droits. Cette surveillance s’applique à chaque marque, car chacune dispose d’une identité distincte, nécessitant un suivi adéquat. L’enjeu n’est pas négligeable puisque la protection de marque valorise votre société et s’avère indispensable pour préserver vos actifs immatériels.
En fin de compte, la possibilité d’avoir un seul SIREN pour exploiter plusieurs marques est un atout pour une stratégie de diversification. Cette approche conserve son intérêt dans des contextes variés : petite entreprise souhaitant lancer d’autres gammes, PME voulant segmenter son offre ou grand groupe cultivant plusieurs identités de marque. L’important est de planifier convenablement chaque étape, depuis l’enregistrement à l’INPI jusqu’à la mise en marché, tout en gérant scrupuleusement la comptabilité analytique et les communications afférentes.
En suivant les conseils partagés dans cet article, vous serez en mesure de déployer plusieurs marques au sein d’une même entreprise et d’exploiter au mieux ce dispositif. N’oubliez pas de solliciter un expert juridique ou comptable lorsque vous touchez à des questions complexes, car une structuration inappropriée pourrait entraîner des conséquences financières ou légales peu souhaitables. En revanche, si vous maîtrisez ces éléments, vous pourrez développer plusieurs marques de manière efficace et sereine, tout en profitant de la solidité d’une seule et même entité.